BACK FROM MORAVIA

 

 

Un jour, je ne saurais dire pourquoi, je décide de participer au Moraviaman. Sans doute le désir de changement par rapport aux Ironman précédents que j’ai courus, style Roth ou Frankfurt. Peut-être aussi parce que Fabrice, un ami de longue date, m’avait un jour envoyé un lien vers le site web de ce triathlon perdu au milieu de nulle part… Le côté boyscout de l’expédition en perspective m’avait convaincu.

Fabrice assure rapidement les premiers contacts avec une certaine Sylvie.

Habitués de nous inscrire six à huit mois à l’avance sur les Ironman, nous nous retrouvons ici premiers et seuls inscrits sur la liste des participants.

Avril 2007, à deux mois de la course, on se demande même si le triathlon aura bien lieu !? Non, la liste est enfin publiée sur le website : nous sommes neuf !

Environ 200 inscriptions plus tard, jeudi 21 juin, 14h00, nous voilà en route pour la Moravie.

Petite étape à Prague chez Petr, un membre du BTC qui a sympathiquement proposé à Fabrice de nous héberger dans sa maison.

Vendredi 22 juin, il reste un gros 300 kilomètres jusqu’à la frontière slovaque : destination Otrokovice, petit village réputé pour son triathlon international.

Arrivés sur place, on tourne un peu pour trouver le lac de Sterkoviste. Imaginez le triathlon de Seneffe, mais la veille de la course, c’est pareil : on rencontre trois personnes en train d’installer quelques barrières nadar pour constituer un parc à vélos.

Qu’à cela ne tienne, il fait beau, et une sympathique terrasse au bord du lac nous invite à boire un verre et manger un morceau. Je vous fais grâce des dialogues avec le préposé de la buvette pour le choix de ce que nous voulions manger.

En fin d’après-midi, il y a davantage d’animation. Nous confirmons notre inscription, et prenons possession d’une chambre sur le site même, ce qui s’avérera bien pratique par la suite.

Petr nous rejoint avec sa charmante compagne, et nous profitons de ces interprètes pour le dîner du soir dans la seule pizzeria du coin. Nous mangeons des pâtes sur la terrasse, heureusement couverte, car un violent orage éclate au cours de la soirée. On se dit que tout ce qui tombe maintenant ne tombera plus demain ;-))

Retour au site. Avec l’orage, nous avons raté le briefing auquel nous n’aurions quand même rien compris. Un organisateur nous propose un briefing particulier… en tchèque. Heureusement, Petr nous a accompagné.

Ensuite, préparation de nos affaires pour le lendemain. Valérie aime bien ces moments rituels où on se fait déjà un petit cinéma dans sa tête pour être sûr de ne rien oublier.

Et enfin dodo dans nos lits superposés. Malheureusement, le lit de Fabrice grince abominablement, et Valérie ronfle ; mais après l’expérience de Roth en 2005, je suis blindé…

 

Jour J, H-2, 5h00 du mat, réveil et petit dèj au carbocake. C’est toujours dur à avaler mais je sais qu’il est nécessaire de s’alimenter correctement si je veux arriver au terme des 12 heures d’effort qui vont suivre.

De la fenêtre de la chambre, on peut voir le parc à vélos qui commence à s’animer. Nous serons finalement 135 à prendre le départ.  

En y regardant bien, on ne voit personne en combi. Nous avons alors la douloureuse confirmation : l’eau est à 24°C et les combis sont interdites. Fabrice est horrifié, et ça ne m’enchante guère non plus ; non seulement on nage moins vite (ou plus lentement c’est selon), mais on pompe aussi davantage d’énergie.

 

7h00, le départ est donné ! La première bouée n’est qu’à une centaine de mètres, et comme j’ai commis l’erreur de me jeter à l’eau avec les premiers, je suis pris dans la mêlée au virage de la bouée. Il y a du monde et ça joue assez bien des coudes.

Nous sommes partis pour trois tours du lac, avec chaque fois un petit tronçon à pied. Il faut sortir de l’eau par un escalier en béton, et replonger 30 mètres plus loin.

Premier tour accompli, je consulte ma montre… juste sous les trente minutes. Ah ! quand même ! Effectivement, ça risque d’être plus long que prévu. Je replonge dans l’eau pour le deuxième tour… première bouée, il y a nettement moins de monde que tout à l’heure, ça ne se bat plus du tout.

Aucun problème pour nager bien à l’aise. Je me fais dépasser par un concurrent beaucoup plus rapide ; probablement qu’il est arrivé en retard au départ… puis un deuxième, un troisième, zut non, ce sont les premiers qui sont déjà dans leur troisième tour.

Deuxième tour bouclé, je suis déjà à une heure. Je termine mon troisième tour en me demandant si la course n’a pas été annulée tant il y a peu de monde autour de moi.

1h30 après le coup de sifflet du départ, je suis de retour dans le parc à vélos. Gros avantage, on ne perd pas de temps à enlever sa combi ;-))

 

Me voilà parti pour 180 kilomètres à vélo, six allers-retours de 30 kilomètres. Le parcours n’est que très légèrement vallonné avec une bosse un peu plus forte qu’on devra quand même franchir 12 fois. La circulation est autorisée mais très faible et assez disciplinée. Heureusement car il n’y a qu’un signaleur à un carrefour plus deux pour compter les tours aux turning points.

Le revêtement est bon, ça roule, et après le premier tour, je me vois finir le vélo en 6 heures, ce qui pour moi est parfait, 30 km/heure, juste ce qu’il faut.

Tss, tss, tss ! Que nenni ! Il fait super beau, et pendant le deuxième tour, un petit vent s’installe. A ce moment précis, je sais que ça ne va pas aller comme sur des roulettes. C’est un vent thermique qui va encore forcir dans la journée.

Fin du second tour : 2h02 ! La moyenne a baissé mais reste très correcte. Une rapide extrapolation me donne 6h06 pour les 180 kilomètres. J’ai envie de dire « stop » aux organisateurs, « j’arrête ici et on me compte 6h06 pour le vélo » ; mais je sais qu’ils ne seront pas d’accord, et je sais aussi que mon extrapolation va prendre un coup dans l’aile au fil des tours suivants.

Dans le troisième tour, kilomètre 75, Fabrice me rattrape. Il m’apprend qu’il a presque battu le record du tour du lac Sterkoviste en 1h45, et que à sa sortie de l’eau, il y avait même encore deux ou trois points jaunes sur le lac.

On discute de la pluie et du beau temps… surtout du beau temps et de ce pªÃ¥Q de vent thermique qui a encore forci.

Quatrième et cinquième tours, il fait beau, il fait chaud, et toujours ce vent… ça devient lassant. Je sens que la natation m’a pompé plus d’énergie que d’habitude ; je me surprends plusieurs fois à bailler sur mon vélo. Ma moyenne n’en finit pas de descendre.

Enfin le dernier tour, plus que trente bornes !

Que me manque-t-il à ce moment-là ? mon lit ? un bon steak au poivre ? une dame blanche dans un transat ?... Je me pose la question. La réponse vient du ciel : un bon orage et une douche bien froide histoire de pomper encore davantage de calories. Pendant une petite demi-heure donc, je profite de ce plaisir inégalable qui consiste à pédaler sous une bonne averse. Que dire à ces pauvres malheureux qui étaient loin devant ? Tant pis pour eux, ils ne savent pas ce qu’ils ont raté !

Finalement, c’est après 6h45 de pédalage que je suis de retour au parc à vélos où il fait toujours grand beau. J’explique à Valérie que je viens d’essuyer un orage ; elle ne me croit pas… jusqu’à ce que je torde mes chaussettes devant elle. Ah oui, quand même !? dit-elle en voyant ce qui en sort.

Heureusement, une intuition due à l’orage de la veille m’avait fait prévoir une paire de rechange. Rien de pire en effet que d’enfiler ses joggings avec des chaussettes trempées et de macérer pendant 42 kilomètres.

 

Bref, me voilà en route pour la dernière épreuve, le marathon : quatre allers-retours de 10km500 sous la canicule. La température ne doit pas être loin des 30°C, et pour moi c’est la canicule, du moins quand il faut courir.

Les deux premiers tours sont un calvaire : il fait chaud et il n’y a pas beaucoup d’ombre. Je marche plus que je ne cours. En plus je commence à en avoir marre des gels et de leur boisson soi-disant isotonique qui ressemble à de l’eau de vaisselle. Je boucle le premier semi-marathon en 2h35, c’est horrible. Je croise plusieurs fois Fabrice qui souffre également. J’ai pris la précaution de me badigeonner de crème solaire, lui apparemment pas. Je ne sais pas si son tri-fonction rouge est à longues manches ou si ses épaules et ses bras sont pris par le soleil qui tape.

Le deuxième semi me paraît un rien plus facile. Pas beaucoup plus rapide pour autant, surtout que je me suis fait une raison, mais le soleil se fait plus bas et donc moins agressif.

Arrivée au site après 5h05. C’est mon plus mauvais marathon jamais couru, mais je m’en fous, je suis content d’avoir fini.

 

Je passe le portique d’arrivée, et je m’arrête pour la photo finish que prend Valérie.

Le speaker qui a annoncé mon arrivée s’avance vers moi et me demande mes impressions. Ensuite, reprenant son micro, il se lance dans une tirade tchèque dont je ne saurai jamais si elle traduisait réellement mes états d’âme du moment.

Après la surprise passée d’avoir constaté l’absence de ravitaillement à l’arrivée (ni à manger ni à boire) je savoure cet instant avec Fabrice et Valérie en buvant une bière à 18 couronnes tchèques. Mais si on fait le compte, 18 CZK pour une journée de 13h32, cela reste raisonnable, non ?

Et puis me voilà MORAVIAMAN ! Ce n’est pas donné à tout le monde !?!

 

La délégation belge au grand complet.